La terre en
était à son époque
secondaire ; l’aspect extérieur
avait peu changé. Les îles, cependant,
étaient plus nombreuses, les terres affleuraient la surface
et produisaient
d’immenses marécages. La couche de nuages
était moins épaisse et le soleil
pouvait parfois éclairer le singulier spectacle qui
stupéfia Gilky. L’épaisse
enveloppe protectrice de nuages qui faisait de la Terre une monstrueuse
étuve,
entraina, en s’amenuisant, l’apparition de la nuit
pour les parties à l’opposé
du soleil et le refroidissement pendant l’hiver,
c’est-à-dire que le
phénomène
des saisons commençait, bien que modestement, à
se faire sentir ; enfin le
climat n’était plus aussi uniforme.
C’est
ainsi que Gilky aperçut des peupliers et des platanes,
premiers arbres à feuilles
caduques, au pôle, alors
que les Polypiers émigraient vers
l’équateur.
Mais si
l’aspect géographique en quelque sorte
avait peu changé, quelles transformations en ce qui
concernait les
habitants !
La surface de
l’eau qui était au dernier
voyage de Gilky, le domaine des Nautiles et des Trilobites,
était maintenant,
sans conteste celui des Ammonites. Des coquilles, des coquilles
partout, rien que des coquilles;
c’est à peine si Gilky
put distinguer des Nautiles dont elle se rappelait la
présence.
Les
Ammonites, d’ailleurs, ressemblaient
fort à ces anciennes connaissances de Gilky. Comme les
Nautiles, elles étaient
composées d’un animal logé dans une
coquille enroulée en spirale.
Il en
existait diverses espèces, mais, de
là-haut, Gilky les voyait toutes semblables et
l’on peut juger de son
étonnement en voyant la mer couverte de coquilles !
Il y avait
aussi des Bélemnites,
sorte de cigare qui laissait échapper un os de seiche et qui
ressemblaient à
notre Calmar actuel.
Gilky essaya
de retrouver des Trilobites,
si nombreuses à son dernier passage, mais elle ne put en
apercevoir un
seul : ils avaient tous disparu. Cela affecta
profondément notre petite
Comète; devant tant de choses nouvelles qui la
déconcertaient, elle
aurait aimé retrouver des choses connues. En regardant plus
attentivement, elle
discerna, au sein des mers, des Poissons. Bien qu’ils eussent
perdu leurs
plaques osseuses et qu’ils eussent maintenant le corps
recouvert d’écailles,
l’aspect général était celui
qu’elle connaissait, et cela la rassura.
Elle dirigea
alors ses regards vers les
iles, pour y retrouver le Labyrinthodonte aux sauts de Grenouille qui
l’avait
tant amusée. Mais quel fut son effarement ! Tout
était changé …
Au-dessus de
la végétation toujours
luxuriante, bourdonnait une multitude d’insectes,
de toutes formes, de
toutes tailles, de toutes couleurs …
Également
au-dessus des iles volaient
d’étranges oiseaux. Gilky remarqua
particulièrement un puissant oiseau aux
ailes larges et développées, au bec pourvu de
dents. Plusieurs milliers de
siècles plus tard, cet oiseau sera nommé
Ichthyornis ; un autre qui sera
nommé Archaeoptéryx,
possédait également des dents et avait le corps
recouvert de plumes. Enfin Gilky distingua une autre espèce
Hespérornis,
mais celui-ci ne volait pas, il avait les ailes trop courtes, il se
contentait
de courir sur ses longues pattes en agitant ridiculement ses bouts
d’ailes.
Gilky pensa que le ridicule était
décidément le lot de la terre.
Mais,
cette
fois, la petite comète ne
devait pas rester longtemps dans le voisinage de notre globe et elle
s’éloignait
déjà. Aussi regarda-t-elle vivement sur la terre
et sur les marais, et elle ne
put retenir un cri :