Livre

A travers... La Paléontologie

L'Extraordinaire aventure de GILKY



Mais Gilky ne s’attarda pas longtemps à contempler les hôtes de la mer : elle n’avait vu que trop d’eau ; aussi dirigea-t-elle ses regards avec avidité vers les quelques îlots émergés.

Là aussi, la vie avait pris naissance et avec une exubérance qui déconcerta la petite comète. Comment de rien pouvait-il naitre quelque chose ? Elle réserva ce problème pour y réfléchir tranquillement pendant les quelques milliers d’années qui lui étaient nécessaires pour accomplir son périple. Pour l’instant, l’important était d’observer, ce qu’elle fit avec une ardente curiosité.

Il n’y avait pas un mètre carré qui ne fut envahi par une luxuriante végétation. De l’humanité, de la chaleur, de la lumière, un climat toujours égal avaient conduit à une profusion extraordinaire de fougères de toutes tailles et de toutes espèces. Un peu de terre émergeait-elle qu’elle était déjà conquise et les plantes, dans leur ardeur à croître, s’étouffaient les unes les autres.

Au milieu de ce véritable fouillis, Gilky n’aperçut rien de vivant.

« Quelle singulière planète, monologuait-elle, les habitants ne vivent que dans l’eau ! C’est sans doute pour cette raison que l’élément liquide recouvre le globe. Je n’aimerais pas y vivre ! »

Puis elle rit elle-même de cette idée saugrenue. Elle ! Joyau du ciel ! Vivre sur ce modeste et terne sphéroïde qui tournait stupidement en rond ! Elle se rappela qu’elle aussi tournait, mais elle repoussa énergiquement toute comparaison : elle n’était pas tributaire d’un soleil, elle n’avait pas de maître et si elle parcourait les routes du ciel, c’était uniquement pour promener fièrement de par l’univers son étincelante aigrette d’or …

Mais elle abandonna ces rêves d’orgueil et de gloire en apercevant, sur une petite île de l’équateur, une sorte de grosse grenouille. Cet étrange animal, le premier Reptile, se tenait accroupi au bord de l’île ; son corps était massif, sa tête allongée, ses pattes antérieures étaient plus petites que ses pattes postérieures ; il tenait la gueule ouverte et Gilky pouvait distinguer de fortes dents. Elle ne pouvait se douter que, quelques milliers de siècles plus tard, cet animal serait nommé Labyrinthodonte justement à cause de ses dents, dont la coupe présente l’aspect d’un labyrinthe, mais cette ignorance ne l’empêcha pas de trouver ce premier Reptile bien laid.




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« Voici donc, pensait-elle, l’être qui règne sur la Terre. C’est vraiment tout ce que pouvait produire un globe aussi stupide. Combien sont plus gracieux ces Polypiers constructifs, ou encore ces Nautiles voyageurs qui glissent à la surface des flots, au lieu de sauter maladroitement comme cette laide bête … »

Pendant qu’elle raisonnait ainsi, Gilky s’éloignait et la Terre poursuivait vainement sa course décevante ne la menant nulle part.

Gilky se retournait, pleine de ses pensées qui contenaient un peu de pitié pour cette malheureuse planète, quand une exclamation de surprise lui échappa : autour de la Terre tournait un tout petit objet rond qu’elle n’avait pas encore remarqué. Elle rassembla ses souvenirs et essaya de se rappeler si ce bloc était déjà là la première fois qu’elle était venue. Elle ne put se souvenir, et un certain découragement la saisit ; elle soupira :

« Je ne peux pas tout remarquer, ne peux pas tout voir, il y a trop de choses. Comment ne rien laisser échapper ? Oh ! Et puis je ne vais pas m’inquiéter pour une chose aussi petite, aussi minuscule que cette bille ! »

Imprudente Gilky ! Elle se reprocha, plus tard, d’avoir si cavalièrement traité notre Lune.



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CHAPITRE III



Après avoir accompli une nouvelle fois le parcourt qui lui était assigné, Gilky revint à son périhélie et vit de nouveau la Terre. Elle n’accorda qu’un regard distrait à la Lune, se contentant d’en noter la présence fidèle, puis elle concentra toute son attention sur la Terre.

Il peut être utile de préciser pourquoi la Terre, qu’elle considérait comme une planète terne et humble, retenait ainsi l’attention de Gilky.

Au cours de ses deux précédents voyages, elle avait remarqué une autre planète, brillante celle-là, bien que de dimensions sensiblement égales à celles de la Terre : Mars. Et sur cette planète, elle avait constaté l’existence d’êtres organisés qui avaient entrepris de grandes choses, qui traçaient des rubans reliant les différentes parties des continents, qui construisaient , qui s’agitaient, enfin qui faisaient autre chose que de sauter comme une grenouille, tels les habitants de la Terre. Cette infériorité manifeste de la Terre l’intriguait et elle voulait savoir si ce terne sphéroïde était capable de produire autre chose que des plantes et des grenouilles.

Voilà pourquoi, à son troisième voyage, Gilky accorda toute l’attention à notre modeste globe.