« Voici
donc, pensait-elle, l’être
qui règne sur la Terre. C’est vraiment tout ce que
pouvait produire un globe
aussi stupide. Combien sont plus gracieux ces Polypiers constructifs,
ou encore
ces Nautiles voyageurs qui glissent à la surface des flots,
au lieu de sauter maladroitement comme cette laide bête
… »
Pendant
qu’elle raisonnait ainsi, Gilky
s’éloignait et la Terre poursuivait vainement sa
course décevante ne la menant
nulle part.
Gilky se
retournait, pleine de ses pensées
qui contenaient un peu de pitié pour cette
malheureuse planète, quand une
exclamation de surprise lui échappa : autour de la
Terre tournait un tout
petit objet rond qu’elle n’avait pas encore
remarqué. Elle rassembla ses
souvenirs et essaya de se rappeler si ce bloc était
déjà là la première fois
qu’elle était venue. Elle ne put se souvenir, et
un certain découragement la
saisit ; elle soupira :
« Je
ne peux pas tout remarquer, ne
peux pas tout voir, il y a trop de choses. Comment ne rien laisser
échapper ?
Oh ! Et puis je ne vais pas m’inquiéter
pour une chose aussi petite, aussi
minuscule que cette bille ! »
Imprudente
Gilky ! Elle se reprocha,
plus tard, d’avoir si cavalièrement
traité notre Lune.
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CHAPITRE
III
Après
avoir accompli une nouvelle fois le
parcourt qui lui était assigné, Gilky revint
à son périhélie et vit de nouveau
la Terre. Elle n’accorda qu’un regard distrait
à la Lune, se contentant d’en
noter la présence fidèle, puis elle concentra
toute son attention sur la Terre.
Il peut
être utile de préciser pourquoi la
Terre, qu’elle considérait comme une
planète terne et humble, retenait ainsi
l’attention de Gilky.
Au cours de
ses deux précédents voyages,
elle avait remarqué une autre planète, brillante
celle-là, bien que de dimensions
sensiblement égales à celles de la
Terre : Mars. Et sur cette planète, elle
avait constaté l’existence
d’êtres organisés qui avaient entrepris
de grandes
choses, qui traçaient des rubans reliant les
différentes parties des
continents, qui construisaient , qui s’agitaient, enfin qui
faisaient autre
chose que de sauter comme une grenouille, tels les habitants de la
Terre. Cette
infériorité manifeste de la Terre
l’intriguait et elle voulait savoir si ce
terne sphéroïde était capable de
produire autre chose que des plantes et des
grenouilles.
Voilà
pourquoi, à son troisième voyage,
Gilky accorda toute l’attention à notre modeste
globe.