À ce
régime
extrêmement dur, peu de plantes avaient
résisté,
et Gilky se rappelait avec tristesse le temps où la
végétation luxuriante
cachait tant de drames ignorés de plantes
s’étouffant les unes les autres …
Quelques
tribus
d’hommes s’étaient
réfugiés dans les lieux où
subsistaient quelques Plantes qui avaient attiré
également les animaux en voie
de disparition. Par suite de la raréfaction des Plantes qui
ne consistaient
plus guère qu’en chétifs lichens, les
herbivores avaient presque disparu ;
les carnassiers étaient obligés de chercher
longtemps leurs proies et souvent
se dévoraient entre eux ; les hommes tuaient ce qui
en restait. Ainsi ce
qui subsistait encore se détruisait lui-même.
Gilky,
horrifiée, vit d’atroces scènes.
C’était la lutte
pour la vie et les tribus d’hommes essayaient de se
détruire les uns les
autres, pour durer plus longtemps.
La petite
comète trouva
cependant beaucoup
de grandeur à cette lutte
désespérée. Quelle
différence avec cette guerre sans
raison qu’elle avait vue à son dernier voyage.
Maintenant les hommes luttaient
pour conserver leur nourriture, leur bien, ils se battaient avec les
moyens de
leurs ancêtres et non plus de leurs pères, ils
étaient retournés à
l’état
sauvage.
*
* *
Ce
spectacle
lamentable
de l’agonie de l’humanité avait
détourné Gilky, pour la première fois,
de la règle qu’elle suivait jusque-là :
examiner d’abord la mer, souvenir
des temps où la mer recouvrait
tout, où la terre ferme était
l’exception.
Elle
se
tourna donc vers
ce qui restait des vastes océans.
Là
encore elle
vit un monde à l’agonie. L’eau ayant
diminué,
ce qui en restait contenait une trop forte concentration de sels
dissous ;
les Poissons n’avaient pu résister. Mais la petite
Gilky comète aperçut, avec
une stupéfaction indicible… des
Nautiles !
Ainsi,
se
dit-elle, les premiers habitants de la
Terre seront
donc les derniers. Quelle leçon grandiose ! Ils
n’ont pas changé depuis
l’époque primaire ; ils voguent toujours
dans leurs coquilles renversées,
comme aux premiers âges ; ils ont
traversé toute l’histoire de la Terre
sans modification ; ils n’ont rien appris et ils
n’ont rien oublié …
Les monstres des temps secondaires ont
disparu; les énormes Mammouths, Mastodontes,
Éléphants, sont morts.
Les hommes
vont
disparaître à leur tour après avoir
redescendu toute l’échelle de
l’intelligence ; les Nautiles, faibles
petites coquilles roulées par les flots,
balancées par le vent, méprisées par
tous les rois éphémères de la
création, voient avec impassibilité les
âges s’écouler,
les monstres passer, les races s’éteindre
…