Ces coquilles
étaient assemblées en
groupes plus ou moins grands, elle regarda de plus près un
de ces groupes et demeura
stupéfaite : des sortes de grosses boites couraient
à toute vitesse dans
les rues, les hommes se précipitaient de tous
côtés, se glissaient entre les
boites ou s’enfermaient à
l’intérieur, pour en sortir un peu plus
loin ;
c’était une agitation épouvantable,
telle que Gilky en fut effrayée et elle
chercha aux alentours quel danger monstrueux menaçait ces
hommes. Elle n’en vit
aucun. Mais toutes les agglomérations de coquilles
présentaient la même
agitation désordonnée et la petite
comète dut reconnaitre que
c’était la vie
habituelle de cet étrange animal.
En regardant
vers le Pôle, Gilky aperçut
des Rennes, des Cerfs, semblables à ceux qu’elle
connaissait ; en
regardant vers l‘Equateur, elle vit des
éléphants,
des rhinocéros des lions,
des crocodiles, reptiles qui rappelaient ceux des temps
passés … Mais tout cela
la laissait indifférente. Quelle surprise attendre de
ceux-là ? Ils
continuaient à vivre tranquillement, comme avaient
vécu leurs ancêtres depuis
si longtemps disparus. Elle n’avait pas de temps à
perdre cette fois. Combien
les hommes étaient plus amusants à
regarder !
Et Gilky
s’étonna encore et se divertit en
les regardant courir dans tous les sens, effrayés sans cause
apparente.
Sur un
continent, elle vit une grande
quantité d’hommes qui se battaient les uns contre
les autres.
« Ainsi,
pensait-elle tristement,
leur intelligence ne les empêche pas de combattre comme les
bêtes féroces. Mais
ce qui m’étonne, c’est que chaque Homme
ne combat pas contre un ennemi, mais
contre plusieurs ennemis. J’ai vu bien des bêtes
lutter les unes contre les
autres, mais chacune ne se battait que contre un seul ennemi, pour
prendre son
terrain de chasse, sa caverne, sa femelle, ou pour le
dévorer … Pourquoi ces hommes se battent-ils à
plusieurs ? »
Comme tous
les hommes, ceux qui se
faisaient la guerre tenaient quelque chose dans leurs mains.
C’était une sorte
de bâton brillant. L’homme qui s’en
servait le dirigeait vers un autre Homme,
il regardait par un bout et, à l’autre bout,
l’adversaire tombait. Gilky
regarda longuement et avec curiosité ce manège
bizarre. Elle n’y comprenait
rien …
*
* *
Á ce
moment,
la Terre était sur le point
de pénétrer dans la chevelure de la
Comète. Alors les hommes étonnèrent
une
fois de plus l’observatrice de notre planète.
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34
Les hommes
sortaient de leurs coquilles
superposées ; le mouvement dans les rues
s’arrêta ; les grands
oiseaux apprivoisés se posèrent sur le
sol ; les armes des combattants
tombèrent, les adversaires se rejoignirent et se
mêlèrent fraternellement. Un
grand souffle de paix, d’immobilité et
d’attente avait balayé la Terre. Tous
les hommes avaient levé la tête et regardaient le
ciel.
Alors Gilky
s’aperçut qu’elle était
l’objet de cette attention, que tous les regards
étaient tournés vers elle.
Cela la
stupéfia.
Depuis
qu’elle examinait les habitants de
la Terre, et cela faisait déjà un certain temps,
c’était la première fois que
les êtres qu’elle observait semblaient la
remarquer. Cette marque d’attention
lui fit plaisir – nous avions dit que Gilky était
coquette. Mais ce qu’elle ne
comprenait pas, c’était que tous les hommes
fissent attention à elle en même
temps ; cette unanimité l’intriguait.
*
* *
Peu de temps
après, la terre traversa
l’étincellement doré de la chevelure.
Alors les
hommes sortirent de leur
immobilité, ils se dispersèrent dans toutes les
directions, s’agitèrent
frénétiquement, sans but, stupidement. Plusieurs
grandes coquilles semblèrent
craquer et, par l’ouverture, Gilky aperçut un
grand tube dirigé vers elle.
La joie,
issue de la vanité, la quitta
brusquement et l’inquiétude la saisit quand elle
vit, à l’extrémité de chaque
tube, un homme qui la visait. Le souvenir des hommes qui tombaient,
pendant le
combat lorsqu’ils étaient ainsi visés,
était encore trop présent à son esprit
pour qu’elle ne s’inquiétât
pas. Certes, le tube était bien plus gros, il
était
proportionné à sa propre grandeur, mais elle ne
pensait pas à la vanité en ce
moment tragique.
Brusquement,
l’inquiétude fit place à
l’indignation :
« Comment !
s’écria-t-elle voilà
donc toute la reconnaissance des êtres de la Terre ?
Depuis longtemps déjà,
je les observe avec bienveillance, à mon dernier voyage
j’ai tremblé pour ces hommes stupides en les voyant se
diriger vers un Glyptodon que je
croyais
vivant, tout à l’heure encore, j’ai
cherché avec inquiétude et pitié quel
danger
les menaçait quand je les voyais courir dans tous les sens
… Et voilà comment
ils me remercient ! »
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