Livre

A travers... La Paléontologie

L'Extraordinaire aventure de GILKY




Ces coquilles étaient assemblées en groupes plus ou moins grands, elle regarda de plus près un de ces groupes et demeura stupéfaite : des sortes de grosses boites couraient à toute vitesse dans les rues, les hommes se précipitaient de tous côtés, se glissaient entre les boites ou s’enfermaient à l’intérieur, pour en sortir un peu plus loin ; c’était une agitation épouvantable, telle que Gilky en fut effrayée et elle chercha aux alentours quel danger monstrueux menaçait ces hommes. Elle n’en vit aucun. Mais toutes les agglomérations de coquilles présentaient la même agitation désordonnée et la petite comète dut reconnaitre que c’était la vie habituelle de cet étrange animal.

En regardant vers le Pôle, Gilky aperçut des Rennes, des Cerfs, semblables à ceux qu’elle connaissait ; en regardant vers l‘Equateur, elle vit des éléphants, des rhinocéros des lions, des crocodiles, reptiles qui rappelaient ceux des temps passés … Mais tout cela la laissait indifférente. Quelle surprise attendre de ceux-là ? Ils continuaient à vivre tranquillement, comme avaient vécu leurs ancêtres depuis si longtemps disparus. Elle n’avait pas de temps à perdre cette fois. Combien les hommes étaient plus amusants à regarder !

Et Gilky s’étonna encore et se divertit en les regardant courir dans tous les sens, effrayés sans cause apparente.

Sur un continent, elle vit une grande quantité d’hommes qui se battaient les uns contre les autres.

« Ainsi, pensait-elle tristement, leur intelligence ne les empêche pas de combattre comme les bêtes féroces. Mais ce qui m’étonne, c’est que chaque Homme ne combat pas contre un ennemi, mais contre plusieurs ennemis. J’ai vu bien des bêtes lutter les unes contre les autres, mais chacune ne se battait que contre un seul ennemi, pour prendre son terrain de chasse, sa caverne, sa femelle, ou pour le dévorer … Pourquoi ces hommes se battent-ils à plusieurs ? »

Comme tous les hommes, ceux qui se faisaient la guerre tenaient quelque chose dans leurs mains. C’était une sorte de bâton brillant. L’homme qui s’en servait le dirigeait vers un autre Homme, il regardait par un bout et, à l’autre bout, l’adversaire tombait. Gilky regarda longuement et avec curiosité ce manège bizarre. Elle n’y comprenait rien …



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Á ce moment, la Terre était sur le point de pénétrer dans la chevelure de la Comète. Alors les hommes étonnèrent une fois de plus l’observatrice de notre planète.

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Les hommes sortaient de leurs coquilles superposées ; le mouvement dans les rues s’arrêta ; les grands oiseaux apprivoisés se posèrent sur le sol ; les armes des combattants tombèrent, les adversaires se rejoignirent et se mêlèrent fraternellement. Un grand souffle de paix, d’immobilité et d’attente avait balayé la Terre. Tous les hommes avaient levé la tête et regardaient le ciel.

Alors Gilky s’aperçut qu’elle était l’objet de cette attention, que tous les regards étaient tournés vers elle.

Cela la stupéfia.

Depuis qu’elle examinait les habitants de la Terre, et cela faisait déjà un certain temps, c’était la première fois que les êtres qu’elle observait semblaient la remarquer. Cette marque d’attention lui fit plaisir – nous avions dit que Gilky était coquette. Mais ce qu’elle ne comprenait pas, c’était que tous les hommes fissent attention à elle en même temps ; cette unanimité l’intriguait.


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Peu de temps après, la terre traversa l’étincellement doré de la chevelure.

Alors les hommes sortirent de leur immobilité, ils se dispersèrent dans toutes les directions, s’agitèrent frénétiquement, sans but, stupidement. Plusieurs grandes coquilles semblèrent craquer et, par l’ouverture, Gilky aperçut un grand tube dirigé vers elle.

La joie, issue de la vanité, la quitta brusquement et l’inquiétude la saisit quand elle vit, à l’extrémité de chaque tube, un homme qui la visait. Le souvenir des hommes qui tombaient, pendant le combat lorsqu’ils étaient ainsi visés, était encore trop présent à son esprit pour qu’elle ne s’inquiétât pas. Certes, le tube était bien plus gros, il était proportionné à sa propre grandeur, mais elle ne pensait pas à la vanité en ce moment tragique.

Brusquement, l’inquiétude fit place à l’indignation :

« Comment ! s’écria-t-elle voilà donc toute la reconnaissance des êtres de la Terre ? Depuis longtemps déjà, je les observe avec bienveillance, à mon dernier voyage j’ai tremblé pour ces hommes stupides en les voyant se diriger vers un Glyptodon que je croyais vivant, tout à l’heure encore, j’ai cherché avec inquiétude et pitié quel danger les menaçait quand je les voyais courir dans tous les sens … Et voilà comment ils me remercient ! »