Livre

A travers... La Paléontologie

L'Extraordinaire aventure de GILKY




C’est à tout cela que songeait Gilky en prenant une fois encore le chemin, non tracé, mais parfaitement déterminé, du retour. C’est à peine si elle remarqua la présence de la Lune escortant inlassablement notre globe dans sa ronde perpétuelle. C’est à peine aussi si elle s’aperçut que la végétation qu’elle se souvenait confusément y avoir vu, avait disparu. Un monde même aussi petit que la terre suffisait amplement à sa curiosité. Et Gilky pensait que la taille ne fait rien à l’affaire : la Terre l’avait bien montré. Qui eût jamais pensé qu’une si petite boule puisse produire des êtres aussi variés ?


Chapitre VI

À son sixième voyage, Gilky devait passer très près de la Terre qui devait même traverser sa chevelure. Par contre, la proximité de la planète serait de très courte durée, aussi Gilky ouvrit-elle tout grands ses yeux curieux dès qu’elle la vit.

Cette fois, elle avait décidé de ne faire aucun pronostic. Trop de fois – chaque fois, pour être exact – ses attentes avaient été trompées. Lorsqu’elle cherchait à revoir un être qui l’ait intéressé, il avait disparu ; quand elle avait admis cette inconstance de la Terre, il n’y avait eu que peu de changement.

Quand elle fut suffisamment rapprochée, Gilky s’écria :

« Rien que des hommes ! Ils ont tout envahi ! Vraiment, la Terre ne fait rien à moitié : rien que des Ammonites, rien que des Reptiles, rien que des Mammifères et maintenant rien que des hommes … »

Si les hommes n’avaient pas tout envahi, il faut avouer qu’ils se répandaient sur une bonne partie des continents.

Même devant ce spectacle étrange, Gilky conserva sa méthode favorite : examiner d’abord la mer, puis les airs et la terre.



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Dans la mer, elle vit d’abord des poissons. Mais il y en avait trop pour qu’elle puisse les observer tous. D’ailleurs, ils ne semblaient pas avoir évolué depuis qu’ils avaient perdu leur carapace osseuse et l’avaient remplacée par des écailles métamorphose qui eut lieu, vous vous en souvenez certainement, à la fin de l’époque primaire. Comme ce temps paraissait lointain ! Gilky crut cependant le retrouver en apercevant des Marsouins qui, dans leurs jeux folâtres, lui rappelèrent les Zenglodons.

Mais ce qui causa une grande surprise à notre petite curieuse, c’est la présence de Nautiles.

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Vous vous souvenez que Gilky avait remarqué, dès le début de l’apparition de la vie sur la terre, ces coquilles spiralées. Elle les avait retrouvées au secondaire, puis au tertiaire ; elle en avait noté la présence au quaternaire, à son dernier voyage, et voilà qu’elle les retrouvait, intacts, toujours vivants et sans aucun changement, tels qu’ils étaient au début de l’ère primaire …

Tout à coup, une coquille d’une forme étrange, d’une taille gigantesque, attira son attention. Elle regarda avec curiosité, et quel ne fut pas son étonnement en apercevant, dans cette coquille … des hommes !

« Ainsi, se dit-elle, ainsi « ils » sont partout. Les reptiles aussi étaient partout: dans l’eau, sur terre et dans les airs. Au fait, cela ne m’étonnerait qu’à moitié d'en observer en l'air. »

Et Gilky laissa les hôtes de la mer pour regarder plus haut, ou plutôt moins bas, puisqu’elle dominait ce qui lui servait en quelque sorte de théâtre; théâtre fantastique, qui ne lui donnait jamais deux fois la même représentation.

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Elle ne fit pas attention aux oiseaux qui sillonnaient le ciel ; elle avait vu depuis longtemps voler des oiseaux et cela ne l’étonnait plus. Ce n’était pas un oiseau qu’elle cherchait, mais – comme l’avait fait quelques siècles auparavant un philosophe né et mort alors qu’elle était à son aphélie – elle cherchait un homme …

Plus heureuse que Diogène, elle en trouva presque immédiatement.

« C’est vraiment curieux, monologuait-elle, c’est l’exemple du Glyptodon– caverne qui continue : ils savent se servir des bêtes puisqu’ils ont apprivoisé les grands oiseaux qui volent pour eux. Mais comme c’est bizarre, leurs ailes ne battent pas ! »

Elle en suivit un des yeux. Il se posa bientôt et cela ramena son attention sur la Terre.



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Alors Gilky fut sur le point de perdre la tête en voyant tant d’hommes !

Quel malheur qu’elle ne puisse rester longtemps pour les étudier en détail ! elle nota hâtivement que, comme lors de leur apparition, les hommes avaient des pelages différents ; leur figure aussi pouvait changer de teinte : elle en vit des rouges, des roses, des jaunes, et même des noires ! Ils ne vivaient plus dans des cavernes, ni dans des cités lacustres, mais dans des sortes de coquilles en hauteur.